Les conservateurs démontrent leur misogynie une fois de plus

Dec 3, 2011

Les conservateurs démontrent leur misogynie une fois de plus

Les conservateurs, qui ont déjà tenté à quelques reprises de se débarrasser du registre des armes d’épaule, font une nouvelle tentative. Sous le présent gouvernement majoritaire conservateur, le projet de loi C-19 a toutes les chances d’être adopté.  Les mêmes politiciens censés avoir comme priorité de sévir contre le crime ont maintenant l’intention de retirer l’obligation d’enregistrer les armes à feu qui ne sont pas prohibées ou à autorisation restreinte.  De plus, les données accumulées à ce jour seront détruites et le gouvernement fédéral refusera de partager les informations avec les provinces qui décideraient de créer leurs propres registres.  Les armes d’épaules, qui sont les armes les plus couramment utilisées dans les cas d’homicide conjugal, seront désormais exclues du registre sous prétexte que le registre est inutile, gaspille de l’argent et est une forme de discrimination envers les habitants des régions rurales. 

La carabine Ruger Mini-14, utilisée en 1989 par le misogyne Marc Lépine pour tuer 14 étudiantes à l’École polytechnique de Montréal et, cet été,  par le tout aussi misogyne Anders Behring Breivik pour tuer près d’une centaine de personnes, dont plusieurs adolescents, en Norvège, sera éliminée du registre.  Le fusil de précision (sniper) le sera aussi.  Personnellement, quand j’entends le mot « sniper », je ne pense pas à une bonne fermière qui veut qu’on la laisse tirer ses perdrix en paix.  Je pense à James Charles Kopp, l’assassin anti-avortement du Dr Barnett Slepian.  Je pense à un fusil utilisé au combat pour tuer des êtres humains. Le registre n’a jamais été, comme Harper tente de nous le faire croire, une attaque contre les habitants des régions rurales.

Suite à la tuerie de l’École polytechnique, plusieurs groupes, dont certains se sont unis pour former la Coalition pour le contrôle des armes, ont fait pression sur le gouvernement pour réglementer les armes à feu.  Au cours des années 1990, la Coalition pour le contrôle des armes ainsi que les associations de policiers et de chefs policiers ont milité pour des lois plus strictes.  En même temps, des groupes de lobbyistes en faveur des armes ont pris de l’ampleur et créé des liens avec des groupes américains. Une loi a été votée en 1995; elle prévoit « la délivrance de permis et l’enregistrement de toutes les armes à feu, l’interdiction de posséder des armes de type militaire semi-automatiques, l’interdiction de posséder certaines armes de poing, ainsi que des peines plus sévères pour les infractions reliées aux armes à feu. »

La National Rifle Association (NRA), l’un des groupes ayant le plus d’influence sur le gouvernement des États-Unis, s’est engagée à aider les groupes canadiens à développer leurs techniques de lobbying, contribuant entre autres à l’établissement, en 1998, du groupe Canadian Institute for Legislative Action (CILA), dans le but d’abolir le registre et qui parle au nom de la Canadian Shooting Sports Association (CSSA).  La NRA a comme mission l’élaboration d’une culture des armes.  Il n’est pas uniquement question de chasse, mais de défense du port d’armes.  Tony Bernardo, le directeur exécutif de CILA, a affirmé dans un article publié par le Canadian Firearms Digest en 2001 que la NRA, bien qu’elle ne soit pas autorisée à leur donner de l’argent, les soutenait de toutes les autres façons possibles.  En l’an 2000, la NRA a dépensé 100 000 $ pour une campagne publicitaire sur la « situation canadienne » diffusée aux États-Unis sur les ondes du National Network.  En 2005, un stratège de la NRA a assisté à un événement organisé par la CSSA dans le but d’offrir une formation sur l’action politique en vue de l’élection fédérale.

Depuis l’introduction du registre des armes à feu, le nombre de crimes par arme à feu a diminué de quarante pour cent.  Ã€ la fin du mois d’octobre 2011, Statistique Canada a publié un rapport sur les homicides au Canada en l’an 2010.  La dernière fois que le nombre d’homicides avait été aussi bas qu’en 2010 était en 1966.  Il y a eu 170 meurtres par arme à feu l’année dernière au Canada.  Par comparaison, la même année, plus de neuf mille meurtres ont été commis avec une arme à feu aux États-Unis.

Si le gouvernement conservateur avait vraiment comme priorité de s’attaquer au crime, le registre des armes d’épaules serait considéré comme un outil essentiel.  Mais je soupçonne que sa priorité est plutôt d’accumuler de l’argent et du pouvoir en développant des liens étroits avec de puissants lobbyistes et de modifier radicalement le fonctionnement de la société canadienne.  Le budget des services correctionnels du Canada a augmenté de cinquante-quatre pour cent depuis que Harper est devenu premier ministre. De nouvelles prisons sont bâties pour accueillir les criminels dont le nombre ne fera qu’augmenter suite aux nouvelles lois anti crimes et à cause de la culture des armes qui est sur le point d’être formalisée. Comme il est dans les habitudes du gouvernement conservateur d’imiter la façon de faire des États-Unis, je m’attends à ce que les prisons deviennent de plus en plus contrôlées par le secteur privé à but lucratif. Pour cette raison, et parce que les armes d’épaules sont utilisées dans cinquante pour cent des « homicides conjugaux » (ce qui, dans quatre-vingts pour cent des cas, signifie qu’un homme abat sa femme), le registre devrait être conservé.

This article first appeared in the Leveller, Vol. 4, No. 3 (Nov./Dec.2011).